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Quelle est votre impression de cette édition 2009?
Pour commencer permettez moi de remercier un homme en particulier qui m’a beaucoup apporté car c’est lui mon mentor Souleymane Koly. Mon expérience auprès de lui m’a apporté une vision objective et la maturité nécessaire pour être dans le milieu artistique, car je pense que tout artiste devrait approcher le monument qu’il est et profiter du savoir de cet homme de grande qualité et d’un culture exceptionnelle. Pour revenir à votre question en toute franchise je n’ai pas pu assister à la phase finale, pour des raisons d’emploi du temps et surtout qu’en France je n’ai pas de poste qui capte les chaînes africaines, bien qu’il en existe. Néanmoins, j’ai vu quelques extraits, qui m’ont permis de voir le travail que font ces jeunes, du sens de la créativité dont ils font preuve, et je suis très impressionné, j’admire leur potentiel et les encourage d’aller au-delà de l’amusement.
Pour ces jeunes chorégraphes et danseurs aujourd’hui, je m’inquiète et me pose des questions : que deviennent-ils après, surtout ceux qui sont déscolarisés et qui ont un véritable talent ? Sont-ils suivis ? Leur donne-t-on une opportunité de pouvoir trouver de l’aide afin de pouvoir continuer sur cette voix qui pourrait leur permettre de s’en sortir ? Ces jeunes talents participent-ils par passion ou juste pour le prestige que « Variétoscope » leur procure ? Je pense qu’ils devraient s’engager dans un travail de longue haleine, un travail abouti, plus tard prendre le temps de mûrir leur idées ; enfin, pour ceux d’entre eux qui sont déscolarisés, pouvoir profiter de leur talent et de l’opportunité que Varietoscope pourrait offrir de positif et de concret. Car beaucoup de ces jeunes talents ne savent pas quoi faire ensuite, nous perdons beaucoup de talents dans cette véritable « jungle » artistique.
Quel lot de votre choix donneriez vous au vainqueur de cette édition ?
Un lot ?! Je suis de ceux qui ne sont plus pour les prix ! Si prix il y a, je préférerais que ces jeunes déscolarisés mais possédant un réel potentiel, puissent suivre des formations, intégrer des compagnies de danse ; qu’on puisse leur assurer un suivi en formation ou en stage, pour préparer leur avenir, et pourquoi pas qu’il puissent ainsi parvenir à une carrière véritable ? Il faudrait donner du temps pour leur inculquer certains savoirs de base, trouver de nouvelles écritures à la danse africaine en général et la danse Ivoirienne en particulier... Nous avons un grand potentiel humain et culturel en Côte d’Ivoire : pourquoi ne pas les valoriser ? Ce que j’ai acquis au fil des années est le résultat de mon acharnement au travail et ma foi en ce que l’art peut apporter de positif à tout jeune talent qui a le besoin, et qui a l’intelligence de faire le bon choix.
J’ai acquis au travers de la danse non seulement des expériences humaines, mais aussi une chose qui est le fondement même de l’artiste : mon propre style, mon écriture,et cela ne se fait pas en se confinant au style ou aux modes en danse qui fleurissent à tous les carrefours des maquis, entre deux bouteilles de bière ! L’expérience, c’est aussi le besoin d’aller vers les autres, surtout prendre le temps, au fil des années, de solidifier ses connaissances, de les améliorer.
Je trouve déjà la danse très en avance pour un pays comme la Côte d’Ivoire, vu ce que notre pays traverse !... On constate malgré tout qu’il y a un besoin criant et une volonté réelle de pouvoir rester pour l’art et la danse, et cela bien que la danse ne soit pas vraiment prise au sérieux en général, du fait de l’amateurisme, ainsi que du manque de confiance et de foi de ceux qui sont censés lui apporter le soutien nécessaire. Je n’ai jamais eu d’aide de mon propre pays pour conduire un projet, parce que les caisses sont vide pour la danse ! Peut-être d’autres ont-ils pu en profiter ? Je n’en sais rien... Peut-être ceux-là ont des relations plus solides auprès de l’administration culturelle... Dans ce cas, il y aurait un problème, parce que ce n’est plus de l’art, mais du favoritisme, et vous pensez que cela peut faire avancer l’art ?!
Bref ! Tellement de choses à dire ! Mais passons cet fait et allez voir en Afrique du Sud ce que certains jeunes ont pu réaliser grâce a l’Etat qui leur donne les moyens de se construire.
Souvent on me pose la question « Sylvain, est-ce que tu danse toujours ? Quand est-ce que tu rentres ! » Je répond simplement : quand j’aurai les moyens de réaliser des choses pour aider vraiment ceux qui croient en ce que je fais. Ce ne sont pas les moyens financiers qui sont importants, mais il faut au moins avoir les moyens de pouvoir propulser des talents. Celui qui pratique la danse a un travail a faire, autant sur le plan humain, théorique, que pratique.
Pensez vous que le vainqueur doit revenir défendre son titre?
Comme vous dites, je suis tout à fait d’accord avec cette option ; mais il faudrait voir dans quelles conditions ! En effet, cela servirait justement de moyens pour les vainqueurs de comprendre l’importance de continuer après leur victoire, et surtout de faire évoluer le travail déjà accompli. Il faudrait que ce soit de façon à permettre à ces jeunes, en particulier pour ceux qui sont élèves, de pouvoir trouver du temps libre, ainsi qu’une façon constructive d’occuper leur temps. Ce type d’initiative pourrait être par exemple un convention que ces jeunes signeraient avec les mairies ou les régions qu’ils représentent. Ce serait déjà un apport que ces mairie pourraient mettre à la disposition de ces jeunes.
Comment aimeriez-vous refaire la fiche de notation de Varietoscope ?
Déjà je ne l’ai jamais vue ! alors il me serait difficile de pouvoir donner un avis là-dessus.
Avec cette crise économique mondiale, pensez-vous que la danse africaine en général a de l’avenir ?
Avant même la crise, est-ce que nos politiques ont montré un seul instant leur besoin de faire évoluer la chose culturelle ? Est-ce qu’ils permettent déjà à la culture ivoirienne d’évoluer en mettant les personne qu’il faut à la place qu’il faut ? Trouvons les réponses à ces deux question ; ensuite, on parlera de la crise ! Les problèmes de l’art, en Afrique et chez nous ici, c’est le manque de moyens, mais pas de personnes fiables qui croient vraiment en ce que font les artistes ! Donner des responsabilités culturelles à un Monsieur comme Souleymane Koly, ou à une Dame comme Were Were Liking, vous verrez ce qu’ils en feront ! Et je n’évoque pas ici la question de leur pays d’origine... Quel que soit leur pays, ils connaissent l’art, ils savent parler au public au travers de ce qu’ils réalisent.
Qu’est devenu le Ballet National Ivoirien, qui représentait une part importante du patrimoine culturel de notre pays ? Trouvons déjà les réponses à cette question et je pourrai vous en poser beaucoup d’autres ! Et après, on pourra parler de la crise, et de l’impact de la crise sur la danse, qui n’est qu’un élément de notre culture.
Quels conseils pouvez-vous donner à la génération future ?
Je peux leur dire que la notion même du futur et de jeunesse est relative ! En tout cas, je pense que tout être doit traverser son enfer pour connaître son paradis... j’en suis une preuve vivante ! Nos valeurs, ce sont à la fois nos parents et une société responsable – je parle des politiques – qui devraient permettre que chacun puisse évoluer à son rythme et à sa mesure, conformément à ses capacités. Et il y a aussi la responsabilité et la conscience de chacun, même s’il est jeune.
Je voudrais ensuite lui dire que tout mauvais choix qu’on fait entraîne ses conséquences, et qu’avant de se lancer dans le milieu artistique, chacun doit prendre le temps de réfléchir, d’élargir ses horizons culturels, afin de pouvoir faire le bon choix. Il faut toujours pouvoir se questionner sur son avenir, même quand on a commencé à s’engager, car, comme dit l’adage « on apprend quand on est jeune, et on comprend quand on est vieux », et ne pas oublier qu’un instant de décision peut changer des milliers de jours restant à vivre....
Par expérience, je peux dire qu’en de nombreuses occasions, la vie est un grand questionnaire à choix multiple, une série de questions auxquelles on répond en fonction de nos choix : parfois nos choix nous sont favorable, parfois ils nous sont néfastes ; souvent, ce n’est pas le choix lui-même qui est déterminant, mais plutôt ses conséquences quand il se révèle mauvais, qu’on échoue, qu’on aboutit à un résultat qu’on n’avait pas prévu, ou qu’on réalise qu’on s’est trompé... Là, il faut avoir la sagesse de prendre du recul pour mûrir ses idées. Tant qu’on est
jeune, on a la possibilité de faire machine arrière et choisir une autre option. Il faudrait que les jeunes ne pensent pas que la danse est le travail des danseurs et la réflexion celui des intellectuels : le danseur n’est pas qu’un corps qui se donne en spectacle, un objet qui gesticule dans tous les sens, mais un sujet pensant et réfléchissant, capable de défendre ses propres idées et de soutenir une discussion avec n’importe quel autre artiste ou intellectuel. D’autre part, les jeunes doivent aussi laisser libre cours à leur instinct, parce que la danse parle d’instinct, et qui parle d’instinct s’adresse à l’essence même de l’espèce humaine, et trouve la plus immédiate des réponses.
Il faut enfin que cette jeune génération n’ait pas peur de souffrir, qu’elle se serve de toutes les expériences qui se présenteront, parce que les souffrances ont donné vie aux plus grandes âmes... La jeunesse est toujours cette source inépuisable qui permet à une culture de s’évader dans l’irréel, de s’y plonger pour y trouver ses idées de fou ! C’est la jeunesse qui rebâtit en permanence notre culture.
Que nous réservez-vous pour l’édition 2010 ?
Cette année je prépare une nouvelle création intitulé YOU NA. Je me suis surtout inspiré de l’intolérance des gens, de ce qui se passe au pays en ce moment. Le spectacle tournera autour de deux regards différents sur la vie que nous menons : la guerre que l’on se fait pour être le meilleur en ignorant que l’autre est là, et qui souvent nous conduit à notre propre perte puisque seules nos différences nous permettent de nous améliorer et de nous affirmer. YOU NA parle de la rencontre avec son prochain et de l’acceptation de sa différence. Il s’agit de donner l’essentiel de nous-mêmes en offrant à l’autre nos rêves et nos folies. YOU NA est le lien entre chaque être, le lieu de l’acceptation de l’autre – cet autre qui doit être la limite de notre liberté, à travers lequel on va chercher et trouver la lucidité, le centre et le souffle de notre être.
Outre un spectacle, YOU NA est aussi un lieu de formation artistique, un temps de rencontre entre des jeunes issus de quartiers sensibles venant de plusieurs pays, à quoi s’ajoutera la coopération d’artistes professionnels venant non seulement de Côte d’Ivoire, mais aussi du Mali, du Sénégal, plus loin de nous de l’Île Maurice et de la Jamaïque, et enfin bien sûr de France. En interprétant YOU NA, ces jeunes – formés par moi et par d’autres chorégraphes – pourront acquérir un cadre théorique, une dimension nouvelle pour enrichir leur réflexion et leur expérience. L’étude et la pratique de la danse auront de puissants effets sur les jeunes retenus, leur apportant une éthique et un respect nouveaux. Nos recherches seront basées sur des éléments traditionnels et sur d’autres plus modernes. Les danses dont nous héritons ont besoin d’être réinventées, peut-être en s’inspirant de celles que les jeunes pratiquent dans les rues, mais à condition de restructurer ces dernières.
Que voulez-vous nous dire d’autre avant de se quitter ?
Dire surtout à ces jeunes de croire en ce qu’ils font, de privilégier leur formation, de prendre le temps de se construire une base solide, parce que le socle de notre art est ce qu’on prend le temps de connaître, de comprendre et d’améliorer. Nos connaissances sont les véritables outils de nos productions ! Et je leur recommande d’être patients : j’ai moi-même passé 10 ans au sein de l’Ensemble Koteba, et ces années de voyages professionnels et de contacts humains m’ont forgé.
Merci à vous de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer, en espérant que certains danseurs trouveront dans mes propos des réponses aux questions qu’ils se posent sur leur devenir.
« Variétoscope » et une véritable pépinière d’artistes. Je suis sûr que les producteurs de cette émission se rendent bien compte qu’au travers de ce que certains pensent n’être qu’un jeu se révèlent de véritables talents. En fait, le concept même de cette émission gagnerait à être repensé afin qu’elle puisse devenir un véritable tremplin pour aider de jeunes talents à se construire une fois l’émission terminée.
À TRÈS BIENTÔT SYLVAIN ZABLI !
Pour commencer permettez moi de remercier un homme en particulier qui m’a beaucoup apporté car c’est lui mon mentor Souleymane Koly. Mon expérience auprès de lui m’a apporté une vision objective et la maturité nécessaire pour être dans le milieu artistique, car je pense que tout artiste devrait approcher le monument qu’il est et profiter du savoir de cet homme de grande qualité et d’un culture exceptionnelle. Pour revenir à votre question en toute franchise je n’ai pas pu assister à la phase finale, pour des raisons d’emploi du temps et surtout qu’en France je n’ai pas de poste qui capte les chaînes africaines, bien qu’il en existe. Néanmoins, j’ai vu quelques extraits, qui m’ont permis de voir le travail que font ces jeunes, du sens de la créativité dont ils font preuve, et je suis très impressionné, j’admire leur potentiel et les encourage d’aller au-delà de l’amusement.
Pour ces jeunes chorégraphes et danseurs aujourd’hui, je m’inquiète et me pose des questions : que deviennent-ils après, surtout ceux qui sont déscolarisés et qui ont un véritable talent ? Sont-ils suivis ? Leur donne-t-on une opportunité de pouvoir trouver de l’aide afin de pouvoir continuer sur cette voix qui pourrait leur permettre de s’en sortir ? Ces jeunes talents participent-ils par passion ou juste pour le prestige que « Variétoscope » leur procure ? Je pense qu’ils devraient s’engager dans un travail de longue haleine, un travail abouti, plus tard prendre le temps de mûrir leur idées ; enfin, pour ceux d’entre eux qui sont déscolarisés, pouvoir profiter de leur talent et de l’opportunité que Varietoscope pourrait offrir de positif et de concret. Car beaucoup de ces jeunes talents ne savent pas quoi faire ensuite, nous perdons beaucoup de talents dans cette véritable « jungle » artistique.
Quel lot de votre choix donneriez vous au vainqueur de cette édition ?
Un lot ?! Je suis de ceux qui ne sont plus pour les prix ! Si prix il y a, je préférerais que ces jeunes déscolarisés mais possédant un réel potentiel, puissent suivre des formations, intégrer des compagnies de danse ; qu’on puisse leur assurer un suivi en formation ou en stage, pour préparer leur avenir, et pourquoi pas qu’il puissent ainsi parvenir à une carrière véritable ? Il faudrait donner du temps pour leur inculquer certains savoirs de base, trouver de nouvelles écritures à la danse africaine en général et la danse Ivoirienne en particulier... Nous avons un grand potentiel humain et culturel en Côte d’Ivoire : pourquoi ne pas les valoriser ? Ce que j’ai acquis au fil des années est le résultat de mon acharnement au travail et ma foi en ce que l’art peut apporter de positif à tout jeune talent qui a le besoin, et qui a l’intelligence de faire le bon choix.
J’ai acquis au travers de la danse non seulement des expériences humaines, mais aussi une chose qui est le fondement même de l’artiste : mon propre style, mon écriture,et cela ne se fait pas en se confinant au style ou aux modes en danse qui fleurissent à tous les carrefours des maquis, entre deux bouteilles de bière ! L’expérience, c’est aussi le besoin d’aller vers les autres, surtout prendre le temps, au fil des années, de solidifier ses connaissances, de les améliorer.
Je trouve déjà la danse très en avance pour un pays comme la Côte d’Ivoire, vu ce que notre pays traverse !... On constate malgré tout qu’il y a un besoin criant et une volonté réelle de pouvoir rester pour l’art et la danse, et cela bien que la danse ne soit pas vraiment prise au sérieux en général, du fait de l’amateurisme, ainsi que du manque de confiance et de foi de ceux qui sont censés lui apporter le soutien nécessaire. Je n’ai jamais eu d’aide de mon propre pays pour conduire un projet, parce que les caisses sont vide pour la danse ! Peut-être d’autres ont-ils pu en profiter ? Je n’en sais rien... Peut-être ceux-là ont des relations plus solides auprès de l’administration culturelle... Dans ce cas, il y aurait un problème, parce que ce n’est plus de l’art, mais du favoritisme, et vous pensez que cela peut faire avancer l’art ?!
Bref ! Tellement de choses à dire ! Mais passons cet fait et allez voir en Afrique du Sud ce que certains jeunes ont pu réaliser grâce a l’Etat qui leur donne les moyens de se construire.
Souvent on me pose la question « Sylvain, est-ce que tu danse toujours ? Quand est-ce que tu rentres ! » Je répond simplement : quand j’aurai les moyens de réaliser des choses pour aider vraiment ceux qui croient en ce que je fais. Ce ne sont pas les moyens financiers qui sont importants, mais il faut au moins avoir les moyens de pouvoir propulser des talents. Celui qui pratique la danse a un travail a faire, autant sur le plan humain, théorique, que pratique.
Pensez vous que le vainqueur doit revenir défendre son titre?
Comme vous dites, je suis tout à fait d’accord avec cette option ; mais il faudrait voir dans quelles conditions ! En effet, cela servirait justement de moyens pour les vainqueurs de comprendre l’importance de continuer après leur victoire, et surtout de faire évoluer le travail déjà accompli. Il faudrait que ce soit de façon à permettre à ces jeunes, en particulier pour ceux qui sont élèves, de pouvoir trouver du temps libre, ainsi qu’une façon constructive d’occuper leur temps. Ce type d’initiative pourrait être par exemple un convention que ces jeunes signeraient avec les mairies ou les régions qu’ils représentent. Ce serait déjà un apport que ces mairie pourraient mettre à la disposition de ces jeunes.
Comment aimeriez-vous refaire la fiche de notation de Varietoscope ?
Déjà je ne l’ai jamais vue ! alors il me serait difficile de pouvoir donner un avis là-dessus.
Avec cette crise économique mondiale, pensez-vous que la danse africaine en général a de l’avenir ?
Avant même la crise, est-ce que nos politiques ont montré un seul instant leur besoin de faire évoluer la chose culturelle ? Est-ce qu’ils permettent déjà à la culture ivoirienne d’évoluer en mettant les personne qu’il faut à la place qu’il faut ? Trouvons les réponses à ces deux question ; ensuite, on parlera de la crise ! Les problèmes de l’art, en Afrique et chez nous ici, c’est le manque de moyens, mais pas de personnes fiables qui croient vraiment en ce que font les artistes ! Donner des responsabilités culturelles à un Monsieur comme Souleymane Koly, ou à une Dame comme Were Were Liking, vous verrez ce qu’ils en feront ! Et je n’évoque pas ici la question de leur pays d’origine... Quel que soit leur pays, ils connaissent l’art, ils savent parler au public au travers de ce qu’ils réalisent.
Qu’est devenu le Ballet National Ivoirien, qui représentait une part importante du patrimoine culturel de notre pays ? Trouvons déjà les réponses à cette question et je pourrai vous en poser beaucoup d’autres ! Et après, on pourra parler de la crise, et de l’impact de la crise sur la danse, qui n’est qu’un élément de notre culture.
Quels conseils pouvez-vous donner à la génération future ?
Je peux leur dire que la notion même du futur et de jeunesse est relative ! En tout cas, je pense que tout être doit traverser son enfer pour connaître son paradis... j’en suis une preuve vivante ! Nos valeurs, ce sont à la fois nos parents et une société responsable – je parle des politiques – qui devraient permettre que chacun puisse évoluer à son rythme et à sa mesure, conformément à ses capacités. Et il y a aussi la responsabilité et la conscience de chacun, même s’il est jeune.
Je voudrais ensuite lui dire que tout mauvais choix qu’on fait entraîne ses conséquences, et qu’avant de se lancer dans le milieu artistique, chacun doit prendre le temps de réfléchir, d’élargir ses horizons culturels, afin de pouvoir faire le bon choix. Il faut toujours pouvoir se questionner sur son avenir, même quand on a commencé à s’engager, car, comme dit l’adage « on apprend quand on est jeune, et on comprend quand on est vieux », et ne pas oublier qu’un instant de décision peut changer des milliers de jours restant à vivre....
Par expérience, je peux dire qu’en de nombreuses occasions, la vie est un grand questionnaire à choix multiple, une série de questions auxquelles on répond en fonction de nos choix : parfois nos choix nous sont favorable, parfois ils nous sont néfastes ; souvent, ce n’est pas le choix lui-même qui est déterminant, mais plutôt ses conséquences quand il se révèle mauvais, qu’on échoue, qu’on aboutit à un résultat qu’on n’avait pas prévu, ou qu’on réalise qu’on s’est trompé... Là, il faut avoir la sagesse de prendre du recul pour mûrir ses idées. Tant qu’on est
jeune, on a la possibilité de faire machine arrière et choisir une autre option. Il faudrait que les jeunes ne pensent pas que la danse est le travail des danseurs et la réflexion celui des intellectuels : le danseur n’est pas qu’un corps qui se donne en spectacle, un objet qui gesticule dans tous les sens, mais un sujet pensant et réfléchissant, capable de défendre ses propres idées et de soutenir une discussion avec n’importe quel autre artiste ou intellectuel. D’autre part, les jeunes doivent aussi laisser libre cours à leur instinct, parce que la danse parle d’instinct, et qui parle d’instinct s’adresse à l’essence même de l’espèce humaine, et trouve la plus immédiate des réponses.
Il faut enfin que cette jeune génération n’ait pas peur de souffrir, qu’elle se serve de toutes les expériences qui se présenteront, parce que les souffrances ont donné vie aux plus grandes âmes... La jeunesse est toujours cette source inépuisable qui permet à une culture de s’évader dans l’irréel, de s’y plonger pour y trouver ses idées de fou ! C’est la jeunesse qui rebâtit en permanence notre culture.
Que nous réservez-vous pour l’édition 2010 ?
Cette année je prépare une nouvelle création intitulé YOU NA. Je me suis surtout inspiré de l’intolérance des gens, de ce qui se passe au pays en ce moment. Le spectacle tournera autour de deux regards différents sur la vie que nous menons : la guerre que l’on se fait pour être le meilleur en ignorant que l’autre est là, et qui souvent nous conduit à notre propre perte puisque seules nos différences nous permettent de nous améliorer et de nous affirmer. YOU NA parle de la rencontre avec son prochain et de l’acceptation de sa différence. Il s’agit de donner l’essentiel de nous-mêmes en offrant à l’autre nos rêves et nos folies. YOU NA est le lien entre chaque être, le lieu de l’acceptation de l’autre – cet autre qui doit être la limite de notre liberté, à travers lequel on va chercher et trouver la lucidité, le centre et le souffle de notre être.
Outre un spectacle, YOU NA est aussi un lieu de formation artistique, un temps de rencontre entre des jeunes issus de quartiers sensibles venant de plusieurs pays, à quoi s’ajoutera la coopération d’artistes professionnels venant non seulement de Côte d’Ivoire, mais aussi du Mali, du Sénégal, plus loin de nous de l’Île Maurice et de la Jamaïque, et enfin bien sûr de France. En interprétant YOU NA, ces jeunes – formés par moi et par d’autres chorégraphes – pourront acquérir un cadre théorique, une dimension nouvelle pour enrichir leur réflexion et leur expérience. L’étude et la pratique de la danse auront de puissants effets sur les jeunes retenus, leur apportant une éthique et un respect nouveaux. Nos recherches seront basées sur des éléments traditionnels et sur d’autres plus modernes. Les danses dont nous héritons ont besoin d’être réinventées, peut-être en s’inspirant de celles que les jeunes pratiquent dans les rues, mais à condition de restructurer ces dernières.
Que voulez-vous nous dire d’autre avant de se quitter ?
Dire surtout à ces jeunes de croire en ce qu’ils font, de privilégier leur formation, de prendre le temps de se construire une base solide, parce que le socle de notre art est ce qu’on prend le temps de connaître, de comprendre et d’améliorer. Nos connaissances sont les véritables outils de nos productions ! Et je leur recommande d’être patients : j’ai moi-même passé 10 ans au sein de l’Ensemble Koteba, et ces années de voyages professionnels et de contacts humains m’ont forgé.
Merci à vous de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer, en espérant que certains danseurs trouveront dans mes propos des réponses aux questions qu’ils se posent sur leur devenir.
« Variétoscope » et une véritable pépinière d’artistes. Je suis sûr que les producteurs de cette émission se rendent bien compte qu’au travers de ce que certains pensent n’être qu’un jeu se révèlent de véritables talents. En fait, le concept même de cette émission gagnerait à être repensé afin qu’elle puisse devenir un véritable tremplin pour aider de jeunes talents à se construire une fois l’émission terminée.
À TRÈS BIENTÔT SYLVAIN ZABLI !